Continuum Lab, le premier Think Tank des métiers et institutions du continuum de sécurité et de justice, cofondé en 2021 par la mutuelle INTÉRIALE et ses partenaires[1], dévoile huit propositions inédites à l’attention des décideurs publics avec pour objectif de renforcer l’attractivité des métiers de la sécurité et de la justice auprès de la jeunesse ainsi que le lien qu’elle entretient avec ses représentants.
Élaborées sur la base de nombreuses auditions d’acteurs de terrain et de spécialistes reconnus de la sécurité, de la justice et de la cohésion des territoires, ses propositions font suite aux résultats d’une étude scientifique nationale réalisée en septembre 2022 avec le Cevipof et l’Institut BVA sous la direction d‘Anne Muxel, Directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS (CEVIPOF/Sciences Po), interrogeant les jeunes sur leur perception de ces métiers régaliens.
Les préconisations du Continuum Lab s’appuient sur des premières expérimentations réussies et intègrent pleinement les attentes partagées par les élus locaux, les acteurs de la sécurité, de la justice et la communauté éducative. Alors que l’école s’impose comme le cœur de l’apprentissage des valeurs de citoyenneté, Continuum Lab a identifié différentes initiatives fortes qui permettraient de resserrer les liens entre l’Éducation nationale, la jeunesse et les institutions régaliennes de la République.
Un groupe de travail multidisciplinaire force de proposition auprès des pouvoirs publics
Au moment où, en France, la perception d’une société plus violente est largement partagée et que les fractures entre les institutions républicaines et une frange de la jeunesse se sont dramatiquement révélées au travers des émeutes de l’été 2023, la construction de la citoyenneté chez les 16 à 24 ans est au cœur du débat et de l’action publique. Décideurs publics, communauté éducative, acteurs sociaux et associatifs, tous reconnaissent l’urgence de rétablir et réaffirmer le lien entre les jeunes et la République, ses valeurs, ses représentants.
L’étude menée en 2022 par le Continuum Lab sous l’égide de la sociologue Anne Muxel a démontré que loin d’être un bloc sociologique monolithique dans sa pensée, la jeunesse affiche globalement une perception et un rapport équilibrés aux détenteurs de l’autorité publique. Les jeunes se montrent notamment très conscients de la complexité des missions qui leur sont conférées.
S’appuyant sur ces constats, un groupe de travail réunit par le Continuum Lab a cherché à explorer les moyens de renforcer les liens entre jeunes et institutions et lever les incompréhensions ou idées reçues. Ce groupe de travail a réuni préfet, magistrat, directeur de prison, policiers, administrateur de l’État, et administrateurs du Continuum Lab pour proposer aux pouvoirs publics des solutions améliorant les échanges et la confiance réciproque entre la jeunesse et les représentants des métiers régaliens.
Ces spécialistes reconnus de la sécurité, de la justice et de la cohésion des territoires, composant le groupe de travail, ont mené de nombreuses auditions auprès de décideurs publics, d’élus nationaux et locaux, de représentants de la communauté éducative et d’acteurs de terrains et associatifs. Leurs propositions (voir l’ensemble des propositions en annexe de ce communiqué) mettent fortement l’accent sur le rôle essentiel de l’éducation et de la pédagogie, dans l’image de ces métiers. Sur la base des témoignages de terrain, ils proposent de faire rencontrer des bacheliers, de jeunes étudiants ou des diplômés de 3ème cycle avec des commissaires, des préfets, des magistrats… pour créer des passerelles bénéfiques entre les jeunes et les professionnels.
« Les métiers de la sécurité et de la justice sont à la fois ancrés dans notre quotidien et essentiels pour une société démocratique. Pourtant, ils sont mal connus des jeunes et les relations entre la jeunesse et les représentants de la police et de la justice sont victimes de projections fantasmées qui polluent le débat public »
déclare Gilles Bachelier, Président du Groupe INTÉRIALE
« En menant en 2022 avec Anne Muxel une grande étude de perception de ces métiers par les jeunes, nous avons souhaité apporter un regard réaliste et sans parti-pris sur les relations entre les jeunes et ceux qui les protègent. Aujourd’hui, sur la base de cette analyse et du dialogue avec de nombreux acteurs de terrain, nous sommes en capacité de proposer aux pouvoirs publics des solutions pour améliorer les échanges et la confiance réciproque entre la jeunesse et les fonctions régaliennes. » ajoute-t-il
Principales propositions : l’accent sur le rôle essentiel de l’éducation dans la bonne compréhension des métiers de la sécurité et de la justice
1. Organiser dans chaque mairie une cérémonie annuelle de découverte de la citoyenneté et des valeurs de la République pour les jeunes de 18 ans
L’étude Cevipof révélait l’an dernier que 62 % parmi les 16-24 ans estiment que la démocratie fonctionne bien en France. Cependant, une forte minorité (38 %) fait preuve d’une attitude opposée et cela ne peut être négligée. Par ailleurs, 92 % jugent qu’il existe des problèmes graves entre les jeunes et la police, bien qu’ils soient 6 % seulement à considérer que la responsabilité en incombe seulement à la police. Des fractures sociales et culturelles sont à l’œuvre et entraînent des rapports différenciés à la démocratie. Ce constat de relations chahutées entre la jeunesse et les autorités régaliennes est partagé par l’ensemble des acteurs auditionnés.
Pour renforcer ces liens, Continuum Lab propose d’inviter les mairies de France à convier les jeunes, qui viennent d’avoir 18 ans dans l’année, en leur proposant, sur la base du volontariat, d’assister pendant une demi-journée à une cérémonie en mairie pour matérialiser de façon solennelle les droits et devoirs liés à la République dont chaque citoyen bénéficie, en particulier à partir de sa majorité. Il s’agirait à cette occasion de compenser le déficit existant aujourd’hui en matière d’informations auprès des jeunes sur les opportunités professionnelles offertes par les métiers de sécurité et de la justice.
En ce sens, le moment de rencontres et d’échanges serait une évolution plus puissante des cérémonies de citoyenneté déjà mises en place par certaines municipalités. Les jeunes participants auraient la possibilité de recevoir une information par les principaux représentants des institutions de la sécurité intérieure (police nationale et municipale, gendarmerie), de la sécurité civile, des représentants des métiers judiciaires et des acteurs de l’insertion professionnelle.
2. Trois propositions pour placer l’école au cœur de la pédagogie et du renforcement de la confiance réciproque entre la jeunesse et les représentants des métiers régaliens
Les résultats de l’étude de perception des jeunes démontraient aussi très clairement que les jeunes Français n’ont pas de visibilité sur les institutions, et notamment le fonctionnement et les métiers de l’institution judiciaire. Les métiers de la justice semblent « plus mal connus » que ceux de la sécurité publique. Moins d’un jeune sur deux mentionne celui d’avocat (46 %), et 39 % d’entre eux celui de juge, loin devant greffier (7 %) ou éducateur (1 %). Les tribunaux et autres lieux de justice peuvent ainsi apparaître comme des enceintes confidentielles et hermétiques à la population.
Le Continuum Lab suggère donc que l’Éducation nationale développe des initiatives de découvertes des institutions et métiers judiciaires. Au travers de cette proposition, l’idée est de multiplier les visites par des classes de Palais de Justice afin d’assister à des procès. Parallèlement, des concours d’éloquence, des procès fictifs, des moments judiciaires historiques seraient organisés en classe. Ces initiatives se feraient en lien avec les services judiciaires et les organisations syndicales des magistrats, pour mobiliser les magistrats et les chefs de Cour.
Deux autres propositions placent l’école au cœur de ces enjeux de pédagogie. L’une préconise, sur la base des « classes défense », de favoriser la création de « classes sécurité intérieure et sécurité civile » dès la 4ème, sur la base du volontariat, et d’étendre le principe de ces classes aux lycées dès la classe de seconde. L’autre suggère de créer un référent Sécurité-Justice au sein des collèges et lycées pour informer et diffuser une culture civique en matière de police et de justice. Cet interlocuteur unique permettrait de faciliter les démarches entre les équipes pédagogiques et administratives d’une part, et les autorités régaliennes d’autre part.
3. Créer du lien via le copilotage par des jeunes des réseaux sociaux des forces départementales de sécurité et de secours
L’étude de perception met en avant la « confiance » accordée à 65 % des 16-24 ans en la police nationale, à rebours de l’image d’une jeunesse massivement opposée à cette institution. Dans le même temps, les policiers sont vus comme des personnels « dévoués » et « accessibles », mais des difficultés sont reconnues dans leurs rapports avec les jeunes.
De ce constat, l’image des métiers et des institutions de la sécurité et de la justice doit évoluer pour s’adapter aux attentes de la jeunesse. La communication est alors un vecteur important car elle véhicule des images et des représentations, mais permet aussi de rendre plus accessibles et transparentes les institutions et les métiers de la sécurité intérieure.
Pour y contribuer, Continuum Lab propose de donner la possibilité à tous les jeunes de 16 à 24 ans de participer à un concours départemental annuel pour devenir le web manager adjoint d’un service de sécurité intérieure départemental (police, gendarmerie, sécurité civile, préfecture…). Les quatre lauréats accompagneraient dans l’exercice de leur travail les web managers de ces services pendant une durée d’un à deux mois. Outre le développement de la relation jeunes et institutions, ce serait aussi l’occasion d’une formation qualifiante dans les parcours académiques et professionnels des jeunes sélectionnés.
4. Mieux sensibiliser les jeunes aux opportunités professionnelles des métiers régaliens
Selon les résultats de l’étude d’Anne Muxel, il y a une forte différence d’attractivité entre les métiers de la sécurité publique, privée et de la justice. Néanmoins, ils demeurent réalistes quant aux exigences de ces métiers, mentionnant les qualités de courage, la prise de risque et l’engagement physique que les missions de sécurité requièrent. En termes de connaissances des métiers, les jeunes citent en premier les forces de l’ordre (87 %) et ceux de la justice sont moins bien identifiés. Seuls 2% des jeunes citent un métier de l’administration pénitentiaire, quand il leur est demandé de citer un métier de la justice.
Une proposition du Continuum Lab est ainsi de mieux sensibiliser les jeunes sur la possibilité de pouvoir effectuer un Service Civique dans les ministères régaliens (intérieur, justice, défense…) à travers un volet informationnel plus important sur cette filière. Au moment où les besoins de recrutement sont forts de la part des ministères, le Service Civique est un levier qui doit monter en puissance. Cette information pourrait se faire au moment de la journée de découverte de la citoyenneté et des valeurs de la République et au cours des initiatives de découverte des métiers organisées par les établissements scolaires en lien avec les institutions.
[1] L’Association des Hauts Fonctionnaires de la Police Nationale, l’École Nationale Supérieure de la Police, L’Association des Anciens Combattants et Résistants du ministère de l’Intérieur, Femmes de l’Intérieur, l’Amicale des Cadres de la Police Nationale et de la Sécurité Intérieure, l’association Orphéopolis et le fonds de dotation AMICHEMI.